par Sudoku » Mer Avr 27, 2016 11:04
Bonjour à tous,
Après quelques semaines d'hésitations, me voila inscrite sur ce site dans un désir de compréhension. Comme beaucoup de nouveaux ici, je me pose la question d'un éventuel SA qui viendrait colorer ma personnalité.
Je suis une femme de 25 ans, diagnostiquée HP dans l'enfance. Depuis la fin de mon adolescence, j'enchaine les dépressions et c'est à la suite de cela que je me suis penchée sur la question de la douance. Si beaucoup de points de ma vie se sont éclairés, j'ai souvent cette impression que cela ne suffit pas.
Les échanges sociaux me sont souvent difficiles, je dois sans cesse réfléchir à la structure de la conversation pour être capable de répondre (par exemple évaluation du rapport = professionnel, donc tonalité formelle, ne pas évoquer le personnel, se concentrer sur la tâche évoquée). C'est parfois un peu long, et pour combler le blanc (cela gêne l'interlocuteur), je fais souvent semblant de n'avoir pas entendu: pardon? Cela me donne un peu de temps pour répondre, beaucoup de gens me pensent un peu sourde je crois. Aucun échange n'est spontané chez moi, j'ignore ce qu'est l'authenticité qui ne me semble être qu'un concept développé par la télé-réalité (Jean-Raoul est un mec authentique). En fait, il me semble souvent que les gens disposent d'une partition que je n'aurais pas, une partition qui fait que les échanges fonctionnent quand mes interventions apparaissent comme dissonantes: j'ai cette conviction qu'il existe de bonnes et de mauvaises réponses, et les miennes me semblent souvent fausses.
Autre exemple, j'ai acquis consciemment beaucoup de normes sociales. Par exemple, je suis à la caisse du supermarché, quelqu'un est devant moi: faut-il dire bonjour à l'hotesse de caisse ou dois-je attendre que ce soit mon tour? Il me semble impoli de ne pas le faire dès mon arrivée en caisse, mais si je le fais, faut-il le répéter quand c'est mon tour? En regardant les autres, je me suis rendu compte qu'ils attendaient leur tour pour dire bonjour, ce que je fais maintenant.
Je n'aime pas sortir dans un endroit avec des gens que je ne connais pas, j'ai très peu d'amis, et si je ne souffre pas de ce petit nombre, je vis mal le fait que ce petit nombre, que cette absence de grand groupe qu'ont beaucoup de gens, soit perçu comme anormal. Lorsque je dois rencontrer de nouvelles personnes et que cette rencontre est importante (par exemple, la famille de mon copain), je suis dans un état de stress incroyable car je sais que je dois faire bonne impression, ce sont des gens importants pour lui. Je suis alors capable d'angoisser des semaines avant et, lorsque cela arrive, je parle peu, je suis tendue, j'ai l'air bizarre.
L'air bizarre, c'est l'histoire de ma vie, avec pour corolaire l'obsession de la normalité. J'ai toujours eu un côté un peu décalé mais, ayant eu conscience très tot de ce décalage, j'ai fais énormément d'efforts dès l'enfance pour le cacher (j'étais meme plutot sociable petite, les relations étaient plutôt simple: veux tu être mon copain? Ok, jouons). Ainsi, j'ai fais beaucoup de choses que je ne souhaitais pas pour paraitre normale: commencer à me maquiller m'habiller de manière "féminine" vers 15 ans, parce que je voyais que les autres filles le faisaient et je craignais d'etre différente, ou même avoir un petit copain au collège, alors que je n'en avais pas envie. Tant et si bien qu'aujourd'hui, j'ai souvent seulement l'air un peu débile. Je parle peu, je m'efface, je ne suis en confiance qu'avec un nombre très restreint de personnes. Pour autant, je ne m'ennuie pas seule, bien au contraire c'est ce que je préfère, c'est lorsque mon décalage se confronte au reste du monde, que je perçois cette différence que j'en souffre. Bref, je ne vis pas mal ce que je suis mais la manière dont les autres le perçoivent.
Pour autant, ce décalage, je le cache plutôt bien, et j'ai globalement l'air à peu près normale, juste un peu bizarre: la seule fois ou j'ai évoqué l'idée d'un SA chez moi avec ma soeur avec qui je m'entends bien, cela l'a fait rire: "toi, autiste?"
Dès lors, j'aurais souhaité avoir votre avis sur ce que je vous décris, et surtout, avoir la réponse à la question en titre: une personne atteinte du syndrome d'Asperger peut-elle avoir l'air à peu pres normale, y compris auprès de ses proches.
Je vous remercie,
Sudoku