par karenanna » Mar Juin 03, 2014 21:44
Bonjour,
La question de la légitimité et de la compétence se pose en effet. Or, mon niveau de développement est le fruit d’années de ruptures, d’échecs, j’ai eus à surmonter afin de sortir de ma condition en ce sens d’un « être-au-monde » tout en assumant ma différence. Cette question que celle de la légitimité peut aussi se poser en ces termes : « dans quelles mesures un neurotypique peut-il accompagner plus « sûrement » une personne asperger qu’une autre personne asperger plus expérimentée? », « qu’implique vivre dans un monde à forte prévalence neurotypique pour la personne asperger? », et « a-t-on jamais observé un voyant enseigner à un aveugle ce qu’est la cécité? ». Je ne suis pas thérapeute, mais je crois en tant que personne asperger, en une culture l’on pourrait dire de type autistique quoique le caractère de la pensée autistique est d'être strictement individuelle. En effet, si cette caractéristique est très exactement ce qui nous sépare, elle est aussi ce qui nous unit.
En ce sens, pourquoi ne pas projeter les plus aboutis et les plus ancrés dans le réel d’entre nous permettre à d’autres aspergers « désireux se faire » « hériter » de leur connaissance? Il est à noter, Storm ou quiconque souhaitera me contacter dispose de moyens pour se protéger dont par exemple placer en copie-connaissance une personne de confiance. Dont, demander à un membre de sa famille de me contacter. Il est à noter que Storm est par ailleurs manifestement protégé par une curatelle. Je répondrai aux questions ainsi que j’apporterai le cas échéant la preuve de mon diagnostic (Trouble Envahissant du Développement sans déficience intellectuelle aussi appelé Trouble du Spectre autistique, de type Syndrôme d’asperger, ou autisme de haut-niveau, selon les critères diagnostics du DSM V et du CIM10) si celà devait s’avérer nécessaire. J’ai été diagnostiquée à Asperger Aide France, dont il est ici exactement sur le forum je m’exprime. Si je ne pense pas me tromper d’adresse, il est vrai que ma démarche ne relève pas d’une forme de militantisme dès lors je ne me considère pas comme «handicapée ». Et ce, quoique la société Française me désigne comme telle. Ma démarche demeure et doit demeurer celle d’une personne asperger qui se veut autonome dans un monde où « tout a un prix » ou encore certes phrase toute métaphysique : « il faut », dit-on, « payer pour apprendre ». Par ailleurs, la seule solution en vue d’une culture de ce type consiste en ne pas délaisser les plus démunis d’entre nous, en se faisant rémunérer au même titre qu’un neurotypique aussi raisonnable se peut-il être, c’est-à-dire au prorata en considération la situation matérielle de la personne à accompagner. Il est là un principe simple qui s’applique dans toute société démocratique. Il n’est pas ici question commercialiser mon autisme (ou devrais-je écrire mon syndrôme) mais de valoriser et promouvoir le syndrôme « au monde » en définissant des outils appropriés. Il est là aujourd’hui une perspective réaliste, puisque je commence pour ma part à me réaliser en fonction de mes centres d’intérêt (langage - justice) quoique tout comme Storm et nombre d’entre nous, je suis soumise à certaines contraintes.
Il est admis que le syndrôme d’asperger est une autre façon d’être. Plus rarement est-il une forme de douance. De grands noms en sont les exemples il n’est pas ici nécessaire rappeler. Les personnes aspergers sont tout à fait perfectibles. Je note par ailleurs Storm avoir décrit avec clarté ses difficultés. Je vois ainsi une intervention de la part de Storm digne et optimiste, j’interprète comme le signe d’une volonté sortir de son isolement. Ce pourquoi j’ai suggéré à Storm de m’écrire. Je ne peux qu’encourager Storm à réaliser ses projets car il n’est pas tolérable mettre en abîme les ambitions quelles furent-elles d’un pair asperger. Selon mon expérience, il est tout à fait possible s’émanciper de son syndrôme en le façonnant, en l’apprivoisant car de mon point de vue, il n’est pas l’autisme la fatalité mais bien la neurotypie. A ce stade, nous ne savons pas si mon expérience peut renseigner Storm. Seconde raison pour laquelle j’ai suggéré à Storm de m’écrire. Par exemple, une hyperacousie « rappropriée » rend le son vecteur de jouissance, de repos et d’émancipation. Il est là selon mon expérience personnelle une possibilité « trier » les sons - chaque son ayant une propriété particulière… Il serait dangereux fournir des outils en ligne sans échanges circonstanciés. Nous autres, aspergers réputés hypersensibles n’avons pas tous le même niveau d’apprentissage et de résilience aux différents évènements traumatiques auxquels nous sommes confrontés… Si le son est anxiogène, il est aussi réparateur. Ce ne sont pas là des choses les psychologues pouvoir nous inculquer car ils n’expérimentent pas l’hyperacousie au quotidien. Je refuse par ailleurs tomber dans le piège de la ligne dont nous savons elle est particulièrement addictive car je dois moi-même poursuivre mes apprentissages en réalisant mon rapport aux mots dans le réel. Il est pareillement la raison pour laquelle je ne peux prendre le risque une communication « en boucle » susceptible alimenter - colère et frustration. Mes centres d’intérêts, mon rapport à l’argent sont aujourd’hui « configurés » au monde neurotypique. Monde où la rémunération même symbolique appelle la reconnaissance. Une reconnaissance de la personne asperger au monde (certains diraient dans une société comme la nôtre) ne peut se faire que selon le codes de celui-ci. Cette rémunération vise la personne asperger mais elle convoque indirectement ce monde majoritairement neurotypique ainsi que le regard portent les neurotypiques sur nous autres dans la société dans laquelle nous évoluons telle qu'elle existe. Par extension, toute rémunération induit l’autonomie de la personne asperger. Si je m’engage à accompagner une personne asperger, je dois prendre en considération le contexte ainsi que le fait soutenir cette personne sera pour moi le lieu d’une - lutte - en un « faire-valoir » de cet individu au travers de mon expérience auprès de ses proches, de ses soignants, de ses enseignants…
Aujourd’hui, je peux aller au cinéma sans souffrir la présence de mes congénères. Je prends le métro sans inquiétude. Pour celà, je fragmente mon environnement sonore et parfois olfactif. Je planifie, cible et caractérise chacune de mes interventions « au monde ». A force de volonté, graduellement, j’ai cessé de dissocier… C’est ainsi, je peux être attentive à l’égard des personnes pour lesquelles je veux me rendre accessible. Je pense notamment à mes parents, à ma soeur, à mon petit neveu… Ils sont là des projets à réaliser pour toute personne asperger - qui le souhaite - et disposée à fournir les efforts une telle perspective requiert. Si mon expérience peut servir quiconque, ceci ne se fera pas au prix de ma progression. Car il est là aussi question de ma détermination à demeurer extérieure à mon autisme en ne m’abstrayant ni du monde réel ni de mes objectifs. En outre, selon l’expérience j’ai du syndrôme, l’écrit peut être un vecteur de réflexion et de progression mais sous une forme spécifique, personnifiée, réciproque et éxonérée de la vue de tous. Cette communication sera « fructueuse » à la condition une « texture et une qualité » de pensée compatible. Je précise que l’idée selon laquelle les deux cultures neurotypique et asperger peuvent cohabiter est de Pr Tony Attwood, dont il n’est plus utile faire la présentation. L’on peut certes se satisfaire de confiner le monde neurotypique à un espace opaque. L’on peut tout autant ne pas perdre de vue, l’idée selon laquelle il n’est pas, entre l’une et l’autre de ces deux cultures, de culture supérieure. Ici encore j’en réfère à Pr Attwood.
Nous évoquons Langage. Certains intervenants répondent de façon passionnée, omettant préciser leur « constitution ». Nous tous avons des raisons être passionnés. Je vois là encore un piège « périlleusement énergivore » dans lequel j’ai appris - à mes dépens. - à ne plus tomber surtout dès lors il s’agit s’affranchir de la tutelle des neurotypiques.
J'ai beaucoup réfléchi avant de poster mon annonce sur ce forum, précisément sur la question de la rémunération. Je me suis rendue à plusieurs reprises aux cafés aspergers. J'ai été diagnostiquée à Asperger Aide comme indiqué ci-dessus. Association à laquelle j'ai adressé un e-mail afin de proposer mon soutien à des familles dont un enfant serait asperger. J'ai laissé aux professionnels en très bonne connaissance de mon parcours le soin de me donner leur avis quant à ma démarche. Celle-ci a été approuvée en ces termes "c'est une excellente idée". Je suis en plus que mauvais termes avec Asperger Amitié.
Pour changer les choses, il faut changer notre façon de penser. La plus médiocre étudiante en psychologie qui baby-sit un enfant asperger ne se fait-elle rémunérer? Pourquoi une personne asperger ne le serait-elle pas dès lors elle en est tout à fait capable? Nous tous avons subi des humiliations, des maltraitances infligés par des neurotypiques, parfois des professionnels pour le fait ils méconnaissent (dans le meilleur des cas) le syndrôme.
Puisque je ne me considère pas comme handicapée. Je refuse « aborder » un pair asperger comme tel.
Pas plus, puis-je me contenter entendre les mots « sonner ». Bien plutôt, je veux poursuivre les écouter, observer et « résonner » en de multiples et infinis échos.
Karen Anna